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Illustration/Bande dessinée Bac 2&3

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Portes, fenêtres, cadres...

BD/ILLU BAC2
année 2024-2025

Portes, fenêtres, cadres, usages formels et symboliques dans la bande dessinée.

En anglais, le mot pour histoire « story » designe aussi, avec l’ajout d’une lettre silencieuse, un étage dans un bâtiment : « storey ». Cet emprunt de la racine latine « historia » par le domaine de l’architecture a évolué pour évoquer une suite de vitraux, de fresques ou de bas-reliefs sur la devanture d’un bâtiment. Le lien entre l’architecture et la narration visuelle est explicite : l’espace dans lequelle un récit se déploie structure notre lecture de celui-ci. La composition d’une page de bande dessinée classique prend une forme qui rèflète le monde bâti qui nous entoure : les cases y sont disposées comme les portes et fenêtres d’un bâtiment. Les éléments architecturaux représentés sur une planche peuvent servir à la fois à situer l’histoire et à la structurer, mais elles peuvent aussi avoir une fonction symbolique.

La porte est un passage : elle nous permet d’entrer ou de sortir, de passer d’un endroit à un autre. Elle implique aussi une temporalité, car une porte qui s’ouvre symbolise souvent le départ vers quelque chose de nouveau, tandis qu’une porte qui se ferme signale la fin. Mais la porte est aussi un lieu en elle-même : un seuil, une espace de transition, un entre-deux.

Dans les religions et mythologies, une porte signifie souvent le passage d’une forme d’existence à une autre. C’est une frontière, le point de rencontre entre deux mondes. La franchir c’est passer du monde réelle à un au-delà, ou vice-versa, via la naissance, la mort, la transcendance. Le poète et artiste mystique William Blake (1757-1827) a écrit « Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l’homme telle qu’elle est, infinie. » Un siècle et demi plus tard, l’auteur Aldous Huxley (« Le meilleur des mondes ») a emprunté cette citation pour le titre d’un recueil de textes parlant de son expérience sous drogue psychédélique. Une porte peut ouvrir vers l’extérieur ou vers l’intérieur.

Une fenêtre, quant à elle, nous permet de voir un lieu, une situation, à travers et au-delà, sans pourtant y accéder. Elle nous offre de la transparence, mais aussi de la visibilité : une fenêtre apporte la lumière. La fenêtre est une brêche dans l’espace, entre deux murs opaques, mais aussi dans le temps (ex. « fenêtre de tir »). La fenêtre est donc aussi un entre-deux, une ouverture physique ou temporelle vers quelque chose d’autre. L’image d’une fenêtre est une invitation à regarder, mais elle entrave aussi le regard, car son manque de tranparence souligne la plasticité de l’image, sa qualité de représentation : pensez au tableaux de René Magritte.

Si on peut voir à travers une porte ou une fenêtre, on peut aussi être vu·e. Dans la bande dessinée, une porte ou une fenêtre peut être utilisée pour souligner le regard du/de la lecteurice, le/la plaçant dans le champ de la narration. Le regard du/de la lecteurice peut être substitué pour celui d’un personnage, ou encore celui de l’auteurice. Une porte ou une fenêtre peut donc révéler quelque chose à propos de celui/celle qui regarde à travers elle... ou de celui/celle qui l’a dessinée.

Il y a beaucoup d’autres façons de penser aux portes et aux fenêtres, qu’elles soient physiques (ex : portique de sécurité) ou symboliques (ex : fenêtre d’application dans le numérique). Globalement, on peut étendre la réflexion et se dire que la page de bande dessinée elle même est une architecture. Au début du siècle, alors que la forme dites « bande dessinée » n’est pas encore forgée, on trouve de nombreux illustrés qui annoncent le gauffrier à travers la maison en coupe notamment. La narration en séquence se construit à grand renforts de cadres et d’espaces intericoniques, mais l’image déborde, on parle de polyptiques, le temps fait des allers retours.

Ces nouveaux jeux graphiques et narratifs mobilisent l’espace et le temps de manière tout à fait inédite offrant ainsi de nouvelles manières de faire récit. Aujourd’hui encore des auteur·ice·s ne cessent de jouer avec les cadres, les « frames », les fenêtre, les portes, les frontières, les murs, les gouttières pour produire une nouvelle fois des récits spécifiques au livre en utilisant le gauffrier et/ ou le rapport de l’image à son support.

À vous de venir de vous emparer de ses éléments à la fois comme incitant formel ( le morphologie du récit) et symbolique (son contenu) dans une histoire aboutie (autoportante) de minimum 15 pages, avec un début et une fin, qui joue avec la présence de la porte et/ou de la fenêtre. Celles-ci dépasseront leur simple rôle d’élément de décor pour structurer le contenu et le forme du récit.

Le travail sera évalué sur :
• la qualité du récit, son épaisseur, sa richesse, ses inventions.
• la composition des images/planches
• la lisibilité du récit.
• l’invention dans la relation des éléments graphiques et de la narration.

EXEMPLES à explorer pour des artistes ou des livres utilisant des portes et fenêtres, passages dans le graphisme et la narration, et/ ou qui jouent avec l’architecture.

 Chris Ware, en particulier « Building Stories »
 Rutu Modan « Tunnels »
 Winsor McCay « Little Nemo »
 Pascal Rabaté - « Fenêtres sur rue »
 Nicole Claveloux - « La main Verte »
 Marc-Antoine Mathieu, en particulier « 3 secondes »
 Brecht Vandenbroucke « White cube »
 Brecht Evens « Les rigoles »
 Tiger Tateishi tableaux
 Evan M. Cohen (insta)
 Georges Carlson (patrimoine)
 Gotlieb (patrimoine)
 Pascal Jousselin « Imbattable »
 « Gazoline Alley » (patrimoine)
 Fred « Philémon »
 Olivier Schrauwen « Arsène Schrauwen »
 David Mazuchelli « Asterios polyp »
 Shintaro Kago « Abstraction »
 Josephin Ritschel
 Sophia Martineck
 Heath Robinson and K.R.G. Browne « How to live in a flat » (patrimoine)
 Herriman « Krazy Kat » (patrimoine)
 Tom Gauld

image en tête : Evan M. Cohen

Par Joanna Lorho, Rebecca Rosen, 22 septembre 2024