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Illustration/Bande dessinée bachelors

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Quelques points autour du Kamishibai

  • EN COURS DE RÉDACTION

note 1 : Cette présentation a été rédigée en 2019 essentiellement à partir du livre "Manga Kamishibai the art of Japanese paper theater" de Eric P. Nash. Depuis, de nombreuses sources ont émergé et enrichissent ce premier regard. En attendant une mise à jour complète, je vous invite à suivre de nouveaux liens qui se trouvent en bas de l’article pour aller plus loin. Toute remarque ou contribution/mise à jour est la bienvenue.
note 2 : Je ne mets pas d’inclusif dans la partie HISTOIRE DU KAMISHIBAI car... à ma connaissance, cet épisode ne concerne que des hommes :/.

HISTOIRE DU KAMISHIBAI :

Le kamishibai “petit théâtre de papier” a principalement existé dans sa forme traditionelle au Japon entre les années 30 et 50 et disparaîtra avec l’apparition de la télévision dans les foyers. Dans les années 80, il ne reste qu’une quinzaine de “gaito kamishibaiya” (=>“les conteurs de kamishibai du coin de la rue”).

Stationnant leur bicyclette à un carrefour fréquenté, une entrée de parc ou près d’un temple, les conteurs de rue annonçaient leur présence en cognant l’un contre l’autre des "hiyogoshi" (bâtons à applaudir), des enfants accouraient et se regroupaient pendant que les hommes déployaient un petit castelet de bois, le "butai" contenant une quinzaine d’illustrations originales, peintes à la main, collées sur du carton et laquées pour que la pluie ne les abîme pas. Au verso, les grandes lignes du récit, que le conteur connaît par cœur et sur lequel il peut improviser, faisant différentes voix pour chaque personnage, et quelques effets sonores. Il joue alors un épisode seulement qui se termine par un "cliffhanger" [1] qui fera revenir à coup sûr les enfants le lendemain. (Souvent trois histoires : une comique, une “à l’intention des filles” (sic), une “à l’intention des garçon”(sic)...)


Les récits de kamishibai multiplient les genres : aventure, comique, science fiction, mélodrame… et donne naissance aux premiers superhéros illustrés et dotés d’une identité secrète, tel le prince Gamma (un petit garçon vêtu d’un costume à la Peter Pan qui peut voler et dont l’alter ego est un gamin des rues ).

Dans le kamishibai, des enfants résolvent des crimes, utilisent des armes, pilotent des bateaux et se montrent généralement plus malins que les adultes. S’inspirant des films et des romans populaires destinés à un public adolescent : "Mowgli" de Kipling (1894), "Tarzan" (1912), "Robin des bois", et "Le Prince et le Pauvre", les créateurs de kamishibai empruntent également à Charles Dickens sa capacité à construire une longue histoire en de nombreux épisodes.

L’âge d’or du kamishibai se situe dans les années 30 : en 1933 Tokyo comptabilisait quatre-vingt-treize sociétés de production de kamishibai et mille deux cent soixante-cinq "kamishibaiya". Parmi ces sociétés, cinquante-trois sont de petits ateliers qui emploient au plus huit personnes, alors que les sociétés les plus importantes emploient jusqu’à deux cents personnes.

Sachant que chaque kamishibaiya présente son spectacle miniatures dix fois par jour devant un public pouvant compter jusqu’à une trentaine d’enfants, on arrive un million de petits spectateurs chaque jour. Mais c’est un métier peu lucratif et plutôt incertain, dans un pays en crise qui comptait à ce moment là un million et demi de chômeurs : les conteurs de Kamishibai travaillent à temps partiel, avec des revenus irréguliers et souvent contraints à l’inactivité par temps de pluie.

PRODUCTION :

La production artistique est quelque peu éclatée par une répartition des tâches "à l’américaine" : plusieurs illustrateurs travaillent sur une même planche. Les jeunes illustrateurs commencent le plus souvent comme apprentis sous la férule d’un maître. L’illustrateur en chef réalise les esquisses au crayon sur du papier cartonné de format 25 x 35 cm, puis repasse sur le dessin avec un pinceau épais et de l’encre de Chine. On applique ensuite des rouges, des blancs, des noirs et des jaunes accrocheurs à l’aquarelle en commençant par l’arrière-plan, avant de recouvrir l’illustration d’une détrempe opaque, souvent pour souligner le mouvement. Enfin, on applique une couche de laque transparente pour protéger les nuances de l’aquarelle et faire briller le dessin et lui donner ainsi un certain relief. En outre, on ajoute souvent une couche de cire pour imperméabiliser le carton. Comme les cartons sont manipulés sans cesse, la couche de cire se craquelle, ce qui les fait ressembler à des reliques d’une antique civilisation, peuplée néanmoins de robots géants.

Certains artistes travaillent jusqu’à quinze heures par jour pour des sociétés de kamishibai. Une bonne journée de travail est évaluée à onze pages, chacune exigeant environ une heure, soit l’équivalent d’un nouveau chapitre. Cependant, des artistes comme Nagamatsu (Le créateur du célèbre Ôgon Bat (Golden Bat)) se rappellent qu’ils travaillaient toute la nuit pour produire quinze chapitres. Les artistes vendent leurs cartons originaux aux marchands de kamishibai ( les "kashimoto") qui, à leur tour, les louent aux conteurs. Il arrive souvent qu’un auteur propose une histoire au kashimoto qui, si l’idée lui plaît, engage l’auteur et l’illustrateur.

Le kamishibai s’inspire au départ de la peinture japonaise traditionnelle qui s’appuie sur la densité et l’expressivité du tracé à l’encre et joue sur l’épaisseur ou la finesse du trait, plutôt que sur l’ombre, pour créer une perspective. Toutefois, les illustrateurs de kamishibai recourent au clair­obscur occidental - modulation de la lumière sur un fond d’ombre - pour modeler les visages et donner de la profondeur.


Le kamishibai des rues est un curieux mélange d’imageries populaires et de qualités artistiques admirables. Des compositions très cinématographiques reflètent aussi l’influence envahissante d’Hollywood.

RECIT ET IMAGE AU JAPON

L’histoire des médias n’est pas la même au Japon qu’en Occident. Certains émettent l’hypothèse que les techniques d’impression différentes en usage à la fin du 16e s. en Orient et en Occident pourraient expliquer pourquoi le dessin est un mode de communication que nul ne conteste vraiment en Asie. En Occident, l’image et le texte ont peu à peu évolué différemment en raison de l’invention de l’imprimerie en caractères mobiles par Gutenberg. La langue japonaise se compose de kanji, des idéogrammes qu’il est plus facile de reproduire par le biais de la gravure sur bois, une technique importée de Corée après les campagnes militaires de 1592-1593. Plus souple, celle-ci permet d’intégrer des mots et des images de façon plus homogène sur une seule page.

De même, l’histoire du cinéma japonais diffère de celle du cinéma occidental. Au Japon, le cinéma muet ne s’est pas effacé aussi rapidement devant le parlant qu’en Amérique, car le public japonais ne comprenait pas l’anglais. À l’époque du muet, le cinéma japonais emploie des "benshi" - des acteurs qui lisent les intertitres et disent les dialogues des personnages à l’écran. Telles des vedettes de cinéma, les benshi ont leurs propres admirateurs. Les premiers kamishibai, qui reposent sur une succession de tableaux et l’utilisation de gros plans pour exprimer l’intensité de l’action, ressemblent étrangement au cinéma muet. En outre, tous deux font appel à un·e narrateur·ice/acteur·ice qui, en coulisse, commente les images. Quand le cinéma parlant s’impose définitivement, les benshi se tournent vers le kamishibai. Le cinéma exerce également une grande influence sur le kamishibai dont les illustrateurs donnent à leurs héros les traits d’acteurs célèbres. Par exemple, Tange Sazen, un effrayant samouraï borgne et manchot, qui apparaît d’abord dans un roman-feuilleton publié dans un journal en 1927, puis dans un film muet de 1928 et dans plus de trente épisodes de "chambara" (combat à l’épée). (+ en 1954 dans un manga d’Osamu Tezuka).


Dans un épisode, grâce à un subtil flash-back, Tange Sazen se venge d’un de ses anciens adversaires, celui-là même qui l’a défiguré. Flashback ici traité comme dans un vieux film en noir et blanc ( chatoiements fonçés autour de l’image) + Tanje Sazen samourai borgne et manchot.

FIGURES INCONTOURNABLES DU KAMISHIBAI

Parmi les grands maîtres à l’origine du succès du kamishibai figurent Takeo Nagamatsu (1912-1961), créateur de Golden Bat, Sanpei Shirato (1932-2021), pionnier du gekiga manga (cf Kamui Den dans Garo), Shigeru Mizuki(1922-2015), célèbre pour ses bandes dessinées (cf Garo, cf éditions Cornélius : NonNonBâ, Kitaro le repoussant, Yokaî…).

1. TAKEO NAGAMATSU, KOJI KATA et GOLDEN BAT (ou ŌGON BAT) :

Takeo Nagamatsu, le créateur du premier super-héros japonais : Ôgon Bat (Golden Bat). Né à Ôita en 1912, il n’a que 18 ans lorsqu’il s’associe au scénariste Ichirô Suzuki pour créer ce personnage aux allures sinistres de squelette doré, en 1931. Golden Bat est un des tout premiers superhéros de bande dessinée. Zorro, la fine lame masquée, apparu dès 1919 dans la presse américaine, est sans doute l’ancêtre des superhéros masqués et anonymes. Golden Bat devient rapidement extrêmement populaire auprès des jeunes garçons, avec près d’une histoire par jour racontées entre 1931 et 1933. En avance sur leur époque, les aventures de Golden Bat mettent en scène extra-terrestres, vaisseaux spatiaux, dinosaures et robots géants.
N’ayant pas de droit, l’histoire et son héros ont été récupérés par de nombreux auteurs. Réadaptée en kamishibai par Kôji Kata à partir de 1932. visiblesICI. Adaptées en manga par Kôji Kata et Osamu Tezuka en 1947, en film par le réalisateur Hajime Satô en 1966 - visible ICI, puis en série d’animation par le studio TCJ en 1967 visible ICI. Takeo Nagamatsu se réapproprie le personnage pour une série de livres illustrés entre 1946 et 1958, comptant 11 histoires publiées dans divers magazines de prépublication, tels Shônen Book et Shônen Club.

Sa fille à propos de Nagamatsu :

  • “Ses dessins minutieux et raffinés ne correspondaient pas à priori à ce qui était demandé pour séduire les masses.(…) Il n’était pas à même deproduire autant qu’on le lui demandait et il n’était pas considéré d’un bon oeil. Comme mon père ne pouvait satisfaire à leurs exigences, d’autres ont été chargés de dessiner Golden Bat à sa place. Mais il s’est avéré que les enfants n’aimaient pas leurs dessins et disaient « C’est pas le vrai Golden Bat ! », les enfants savaient parfaitement reconnaître les dessins de mon père”.

Surnommé Monsieur Kamishibai, Koji Kata a quatorze ans quand il commence dans le métier en peignant seize pages par jour pour subvenir aux besoins de sa famille après que son père, un homme d’affaires, est tombé malade. En 1932, il intègre l’équipe de Golden Bat comme illustrateur. Il est à deux doigts d’être renvoyé car ses illustrations ne sont pas conformes au style de Nagamatsu, mais son travail connaît un succès rapide quand il introduit une touche romantique à l’histoire en 1934. Après la guerre, il s’établit à son compte, entre en possession des droits d’auteur de Golden Bat tout en ayant l’aval du gouvernement militaire allié (SCAP).

  • « Pour l’essentiel, je ne me suis jamais inspiré du travail d’autrui, j’ai tout créé moi-même, précise-t-il dans une interview. En outre, j’étais le seul artiste à étudier le montage. »

Après qu’un ami lui a conseillé d’étudier le cinéma afin d’améliorer ses scénarios, Kata potasse la théorie du montage du réalisateur russe Sergueï Eisenstein pour jouer de la contradiction, de l’opposition et du conflit des images à l’écran. Kata introduit des procédés cinématographiques dans le kamishibai en utilisant gros plans et flash-back. En opposant aux scènes d’action des plans centrés sur les visages pour accroître le suspense et l’émotion, le kamishibai et le manga s’inspirent davantage du langage cinématographique d’Eisenstein que des bandes dessinées américaines.

Golden Bat, est toujours évoqué avec nostalgie par les Japonais, toutes générations confondues.

2. SANPEI SHIRATO :

Parmi ceux qui choisissent de ne pas renoncer face au SCAP, l’ancien artiste de kamishibai Sanpei Shirato publie les aventures du ninja Kamui dans le légendaire magazine de bandes dessinées clandestin Garo. Il est considéré comme le pionnier du genre Gekiga (manga pour adultes). Son épopée Kamui-dan (1964-1971 dans Garo) s’attaque au féodalisme et au militarisme de la société japonaise, et Kamui devient la mascotte d’un mouvement étudiant radical à la fin des années 1960. Shirato s’appuie sur le ralenti pour construire l’action, une marque de fabrique qui puise son origine dans le rythme et la tension qui imprègnent les spectacles de kamishibai.
Fils d’un peintre célèbre connu pour ses idées de gauche, Shirato arrête ses études à dix-huit ans et travaille dans le kamishibai et le "kashiho" (bibliothèque de prêt pour mangas) avant de remettre les ninja au goût du jour dans les années 1960. Les ninja, personnages populaires du kamishibai et des romans de gare d’avant-guerre, ont disparu avec la défaite et la censure en vigueur sous l’occupation américaine.

GARO :

La célèbre revue de manga indépendant Garo , aurait été créée, par Sanpei Shirato, en 1964 uniquement dans le but d’éditer les aventures de Kamui, qui étaient dans les cartons, mais dont personne ne voulait. Par la suite, la revue accueillit tous les auteurs en marge du système et qui voulaient proposer un manga différent de ce que l’on trouvait dans les revues d’alors. Des gens comme Shigeru Mizuki, Seiichi Hayashi, Yoshiharu Tsuge ou Yoshihiro Tatsumi s’y épanouiront. ( source : http://www.foxylounge.com/Kamui-Den-Sanpei-Shirato )

3. SHIGERU MIZUKI

Un autre artiste de kamishibai qui se tourne vers le manga après-guerre est Shigeru Mizuki, célèbre pour ses bandes dessinées d’horreur et créateur du monstrueux GeGeGe no Kitaro (Kitaro le repoussant). Shigeru Mizuki perd son bras gauche en combattant en Nouvelle-Guinée. Démobilisé, il survit tant bien que mal en vendant du poisson et du riz sur les marchés, mais aussi en mendiant, avant de louer une chambre à un artiste de kamishibai qui lui donne sa chance. « La vie était très difficile après la guerredit Mizuki, et le kamishibai était un moyen de gagner sa vie. » Par la suite, il travaille seul chez lui, ce qui lui fait dire : « Je n’avais que peu de contact avec les autres créateurs. Mes kamishibai n’avaient pas grand-chose à voir avec les mangas. »

Chose surprenante, il choisit de travailler dans un style réaliste, de mettre en scène de simples drames familiaux. Dans une histoire pleine de mélancolie, un père brutal interdit à sa fille d’adopter un chaton errant, qu’elle parvient néanmoins à faire entrer en le cachant sous une couverture alors que son père dort ivre mort.

GUERRE DU PACIFIQUE & PROPAGANDE

Victime de son succès, le Kamishibai va aussi servir la politique expansionniste du Japon. En Juillet 1937, la Japon envahit la Chine, Nagamatsu fonde une association dédiée au kamishibai educatif, un service de propagande gouvernemental, ils sont envoyés dans la Mandchourie alors sous occupation japonaise et y mènent une propagande pour légitimer le gouvernement fantoche mis en place par le Japon.
Les kamishibai proguerre servent aussi entretenir le moral des troupes envoyées au front et à éduquer à la japonaise les population vaincues en Chine et en Asie du sud est. Ils servent aussi de source d’info auprès des japonais trop pauvres pour acheter le journal, et de moyen de recrutement.
Pendant la guerre, les kamishibai sont produit à la chaîne sur du papier mince et rationné, ils exploitent au mieux les possibilités de la quadrichromie. En 1943, on compte neuf maison d’édition publiant des kamishibai dont le tirage moyen mensuel s’élève à 600 000 exemplaires.
Après la guerre, tandis que le Kamishibai de rue ressuscite (dans les années 50, à peu près 50 000 personnes en vivent, pour la plupart des travailleurs sans emploi), le kamishibai éducatif continue sa route.
Keiko Inaniwa (1916-1975), créatrice de kamishibai, va jouer un rôle important dans sa promotion. En 1948, elle fonde, en collaboration avec Daiji Kawasaki, Seishi Horio, Koji Kada, le Groupe démocratique pour le Kamishibai, qui deviendra plus tard le Cercle d’études du Kamishibai éducatif. Ce groupe qui fit faillite en 1955, déploie ses activités dans les domaines publicitaires, d’études et de publications. C’est la maison d’édition Doshin-sha qui lui succède. Keiko Inaniwa en devient le premier éditeur en chef en 1957 et crée Kodomono Bunka Kenkyujo (Le Catalogue Culturel des enfants).. Kinji MURAMATSU (1921-1999), fondateur de Doshin-sha avec son épouse, Keiko Inaniwa, dira que les années qui ont précédé la création de cette maison d’édition symbolisent la préhistoire du kamishibai et marquent un véritable tournant de rupture avec le kamishibai de propagande en affirmant une position pacifiste de respect de la vie, de la paix et des enfants. C’est toujours cette philosophie qui préside au travail actuel de Doshin-sha et de l’association IKAJA (International kamishibai association of Japan). (source : Marie Charlotte Delmas)

OCCUPATION AMERICAINE & KAMISHIBAI

Les pressions exercées par le Congrès américain sur les comics accusés de corrompre la jeunesse n’épargnent pas le kamishibai qui fait l’objet d’enquêtes, avant d’être utilisé par les forces d’occupation. Ce moyen d’expression est jugé si puissant que lesprocès de Tokyo, après la guerre, se penchent sur le rôle du kamishibai dans le soutien apporté à l’effort de guerre japonais.
Les Etats-Unis souhaitent infléchir la mentalité militariste et inébranlable des combattants japonais dont la nature radicale avait stupéfié les soldats alliés : Après la guerre et sous la supervision des forces alliées du Pacifique (SCAP) le kamishibai doit servir (parmi d’autres médias) à véhiculer des idéaux comme la liberté de la presse, la démocratie, l’abandon des comportements archaïques, et devient le support de démonstrations sur la santé publique, la réforme agraire...
Tout ce qui pourrait évoquer les arts martiaux ou les aventures de samouraïs (Le code samouraï bushidō est récupéré pour l’endoctrinement au militarisme) est censuré au profit de récits évoquants des activités plus saines comme le basket ball, le base ball ou des bandes dessinées comiques...
Le quartier tokyoïte d’Adachi devient le centre du kamishibai d’après-­guerre, on y retrouve Takeo Nagamatsu et Koji Kata qui appartiennent tous deux au Groupe démocratique de kamishibai, un mouvement suspect accusé « d’utiliser le kamashibai pour servir les intérêts des mouvements communistes et non pour encourager le développement de la démocratie dans le domaine du kamishibai ». Le kamishibai fait l’objet d’une surveillance minutieuse en raison de sa popularité. Cet art de rue populaire est jugé subversif car il se prête bien à une critique radicale de la société. Les dessins de kamishibai doivent obligatoirement être estampillés au verso pour prouver qu’ils ont reçu l’aval de la censure. Entre novembre 1945 et février 1947, les censeurs (presse, cinéma et radio) du District I, qui couvre Tokyo et ses préfectures du nord, passent au crible 8 821 spectacles de kamishibai.

En 1949, le SCAP fait pression sur les services préfectoraux et certaines préfectures commencent à interdire le kamishibai. Malgré tout, l’industrie du kamishibai ne cesse de croître. Les créateurs contournent la censure en produisant des histoires d’un intérêt historique, comme les biographies d’Alfred Nobel et Florence Nightingale.
Notons que la force du Kamishibai réside ici dans sa nature improvisée, donnée au soin d’une rue, mêmes si les planches et les story-board étaient supervisés, les conteurs pouvaient toujours ajuster le ton ou leur propos, ainsi que plein de menus détails en fontion de l’état d’esprit général, ou des personnes présentes, comme les authorités.
En 1950, à Osaka, le SCAP prend un arrêté exigeant des kamishibaiya qu’ils suivent une formation gouvernementale et passent un examen ayant au programme la protection de l’enfance, la santé publique et la sécurité dans les moyens de transport. Sur l’île de Shikoku, des gens sont formés pour contrôler la nourriture que vendent les kamishibaiya. À l’image de l’industrie de la bande dessinée américaine qui décide de s’unir pour fonder la Comics Code Authority - dont le seau est apposé de façon bien visible sur les couvertures des bandes dessinées après des enquêtes de la commission Kefauver des années 1950 - les producteurs de kamishibai forment un Comité de régulation en 1951. Ce comité se voit octroyer l’autorisation de déposer quatre nouveaux kamishibai par jour.
Kamishibai et mangas sont contraints de faire l’apologie de la démocratie, un concept que les Japonais découvrent et traduisent par demokrashi.
Noter que les récits et les représentations subissent l’influence américaine dans les années 50 on y retrouvera du Disney, du John Ford ou encore la 4ème dimension…

POST-OCCUPATION ET FIN DU KAMISHIBAI

Après la levée de la censure imposée par l’occupant américain, les auteurs de Kamishibai vont se frotter au tabou de la bombe atomique et de ses conséquences terrifiantes. Une commission de censure civile fut instaurée pendant l’occupation américaine, elle veilla à éviter dans les médias japonais toute publication relative au devenir des "hibakusha" (personnes affectées par la bombe, ou à son exposition), et ce, pendant une période de dix ans. Des relevés de radioactivité au centre de Nagasaki et d’Hiroshima furent néanmoins réalisés scrupuleusement par des scientifiques militaires américains, et leurs rapports classés Secret Défense dans une base militaire du Maryland. Le général Mac Arthur veilla lui-même à ce qu’aucune de ces données ne soit rendue publique : dans un contexte de guerre froide, les secrets de l’arme nucléaire étaient jalousement gardés. (source wiki Occupation du Japon)

=> Pour aller plus loin sur cet aspect historique : un article GEO sur l’occupation américaine, un podcast de France Culture "Japon vaincu, une occupation à la mode américaine."

La fin du kamishibai coïncide avec la fin de l’occupation américaine en 1952, et l’avènement de la télévision en 1953.

Un haiku signé d’un kamishibaiya nostalgique :

« L’atmosphère du kamishibai à la tombée du soir, lucioles au coin d’une rue de plus en plus sombre. Comment comparer un écran à cela ? »

D’autres pistes à suivre autour du Kamishibai :

- Un regard sur le kamishibai qui inclut une critique du livre de Nash.

 Un article de Marie Charlotte Delmas

 Erwin Dejasse parle de la revue Garo sur radiograndpapier

 un autre résumé autour du Kamishibai (EN) sur manga fandom.com

 Encore un article sur le kamishibai (FR)
 Jamais 2 sans 3

Parce qu’il n’y a pas que wiki dans la vie :
 Pour suivre Golden Bat, un article sur Black Bat son prédecesseur, puis des pistes ICI.
 Encore une page sur Golden Bat/Ōgon Bat et Takeo Nagamatsu !

Par Joanna Lorho, 2 octobre 2025

[1Le "cliffhanger" est une technique narrative qui consiste à terminer un chapitre sur une forte tension narrative, un grand suspens, une question brûlante en suspens pour donner aux spectateur·ice·s/lecteur·ice·s un fort désir d’en savoir plus...et de revenir pour l’épisode/chapitre suivant)