Partir n’importe où et jamais retrouver le point de départ...
BD/ILLU BAC3
année 2024-2025
Construire pour détruire / partir n’importe où / et jamais retrouver / le point de départ. [1]
Dans son livre « Le héros aux mille visages » (1949), le mythologue américain Joseph Campbell identifie le concept du « voyage du héro » comme étant la structure narrative classique de très nombreux mythes et histoires relatant un voyage initiatique. Selon le schéma de Campbell, qu’il divise en 12 étapes, le voyage du héro commence avec l’introduction de son quotidien qui est interrompu par un appel à l’aventure, et se clôture avec le retour du héro victorieux, transformé par son expérience et en possession de l’objet de sa quête.
Parce qu’elle se veut universelle, l’analyse de Campbell est critiquée pour son caractère universaliste et ethnocentré. Effectivement, on ne doit pas chercher bien loin pour trouver des récits de voyage qui correspondent à ce modèle, et les récits les plus intéressants remettent souvent en question le rôle de l’héros/de l’héroïne et la linéarité/complexité de son voyage et de celleux qui l’accompagne. Le récit d’un voyage prenant la forme d’une quête (ou d’une conquête) peut être questionné pour la façon dont il reproduit un schéma patriarcal, colonial et dominant, tandis que le voyage qui est présenté comme une expédition peut servir à satiriser une mentalité colonialiste et impérialiste.
Dans un « road movie » classique, le voyage est entrepris dans un but précis : il a un point de départ et un point d’arrivée qui marque le début et la fin du récit, bien que cette dernière puisse être inattendue. Mais un voyage n’est pas forcément entrepris à l’initiative du·de la voyageur·euse, car le voyage peut être une fuite, provoquée par une réalité dangereuse ou oppressante... Dans ce cas, le but du personnage n’est pas une destination à atteindre, ni une conquête, ni l’acquisition d’un objet, mais tout simplement la survie ; sa « victoire » a alors un caractère ambiguë.
Le but de cet exercice est de raconter un voyage en images qui détourne, déconstruit ou se débarrasse de la structure narrative classique du voyage initiatique. Nous privilégions l’illustration et la bande dessinée mais le choix de support est libre tant qu’il sert à la narration du récit ; idem pour les outils de création d’images.
La forme donnée au récit de voyage peut servir à remettre en cause les éléments du récit et son déroulement. L’exemple classique du carnet de voyage se prête à une lecture non-linéaire qui peut toutefois s’adonner à une narration. A l’inverse, le journal de bord, présenté comme un recueil d’événements dans l’ordre de leur occurence, peut être détourné pour remettre en cause la linéarité des faits, ou bien la fiabilité de celle ou celui qui les reporte.
À LIRE : (ces textes seront disponibles dans le cloud)
- « La théorie de la fiction panier » Ursula K. Le guin
- « Je suis une fille sans histoire » Alice Zéniter
Exemples :
Tarmasz « Voyage en république de crabe »
Jesse Jacobs « Safari lune de miel »
Manu Larcenet « La route »
Gwenola Carrère « Extra-vegetalia »
Jim Woodring « Frank »
Jiro Taniguchi « L’homme qui marche »
Mortis Ghost « Le soleil des mages »
Elene Usdin « René·e aux bois dormants »
Yuichi Yokoyama « voyage »
Jérôme Dubois « Jimjilbang »
Julie Michelin « eksploracja »
Lisa Blumen « Astra Nova »
S. Alzial/H. Rajcak « Panthera tigris »
Carmen Chica/Manuel Marsol "La montagne"
Charlotte Lemaire "Les chaussures lentes et le curieux chemin"
Zoé Sauvage "Les fées scientifiques"
[1] tiré de Gwendolin Desnoyer "Une vie de regrets"