
Le récit démarre en trombe : c’est un récit court (5 planches). Nous sommes au coeur de la forêt. Ivan, un cadavre, revient à la vie frappé par la foudre, analogue de destinateur, en ce qu’il meut le Sujet, sans pour autant lui donner de mission explicite. Derrière ce coup de foudre, on peut supposer le doigt de Dieu, mais Konture laisse ça à notre jugement.

A peine en vie, notre sujet signale clairement son objectif : rejoindre la civilisation, la ville, les hommes. Technique ancestrale et peu onéreuse : il fait de l’auto-stop. Son opposant principal se manifeste à cette occasion : lui-même, avec sa sâle tronche de cadavre. Il provoque la trahison quasi instantanée d’un adjuvant, un automobiliste prêt à l’embarquer, qui devient son analogue d’opposant, puisque sans lui nuire volontairement, il repart sans l’embarquer.
Remarquons que Ivan est un personnage simple : c’est un obstiné qui mettra tout en oeuvre pour arriver à ses fins.

Ivan trouve refuge dans une maison abandonnée, analogue d’adjuvant, car si elle lui offre un toit, elle n’agit pas spécifiquement "en vue de son intégration parmi les vivants". Il y découvre un coffre, dans lequel il trouve un adjuvant, un masque avec lequel il espère réussir son intégration au monde des vivants.

Echec retentissant. De profil, c’est encore plus flippant.

De retour à la maison abandonnée, Ivan croit voir une solution, donnée par un nouvel adjuvant, l’ordinateur connecté à Internet qui se trouve dans toute maison abandonnée : rejoindre des personnes au physique de mort-vivant comme lui, en Afrique. Il se rend donc, déguisé, dans un port et se cache dans un bateau en prenant la place d’un stock d’armes clandestines dans une caisse.
On remarquera ici une qualité normalement exploitée dans le récit à structure diffuse, la thématique indirecte. La caisse remplie d’armes a certes une fonction dramaturgique classique (la clandestinité du traffic d’armes est la raison pour laquelle Ivan sera jeté à la mer) mais rejoint une nébuleuse discursive du récit : l’Afrique est pleine d’humains crèvant la faim, mais est un marché juteux pour les trafics en tous genre pour un occident affairiste. Même si ces détails sont sans incidence dramatique (l’Afrique ne reviendra plus dans le récit), cela colore le récit.

Échec à nouveau : il découvert dans une caisse où il sommeille par les marins qui acheminent la marchandise illégale. Ces vrais opposants le jettent à la mer à peine le port quitté.

L’espoir est relancé pour lui à la vue d’une affiche annonçant un concert de death métal : il y a peut-être un endroit ou sa sale tronche pourra être un atout. Il s’y précipite, muni d’un manteau en cuir, jeans troués et lunettes noires.

Là , une sorte de conversion a lieu : le sorteur, opposant potentiel, censé l’empêcher de rentrer sans billets, est tétanisé par son visage, et le laisse passer, faisant, de facto, office d’adjuvant. Seconde conversion cachée : Ivan lui-même dont le visage est cette fois un atout.

Mais au moment du stage diving, catastrophe : les spectateurs ont fuit devant son visage trop "death métal". Il finit par terre, les dents explosées. Plus horrible que jamais, son intégration dans le monde des vivants parait désormais impossible.

C’est l’échec de trop : Ivan constate le caractère insoluble de la situation et s’isole à la campagne. Abandon de l’objet. Apparition du personnage complexe : sans trajectoire, dans la passivité.
L’anti-héros en posture d’échec est un classique de la bd underground. Konture lui donne ici une touche plus douce : l’indolence résignée attend Ivan.