Transcript de Romeo + Juliet

Un exemple de transcript de la scène de rencontre (le coup de foudre canonique par excellence). Ceci n’est qu’une des possibilités d’écriture, évidemment.

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Debout devant l’un des deux miroirs dorés en forme de coquillage, ROMÉO, un jeune homme d’une vingtaine d’années, aux cheveux mi-longs, observe son visage mouillé. La pièce est éclairée par de multiples appliques murales électriques, dont deux grosses en forme de coquillage elles aussi, posées sur un cimentage imitation pierre et encadrées par des colonnes en stuc d’influence grecque. Une statue de vestale portant à bout de bras un globe lumineux orne le coin de la pièce.
Le jeune homme porte une cote de maille surmontée de deux lourdes armures d’épaules argentées et brillantes de style médiéval. Ses cheveux et son visage sont mouillés, sa lèvre inférieure brille. Il se regarde un court moment, passe rapidement la main sur son visage et ses cheveux sans quitter son reflet des yeux. Son regard se déplace ensuite sur le haut de son visage tandis que nous entendons des accords légers de piano.

Le regard de Roméo s’attarde, à travers le reflet du miroir, sur une surface transparente parsemée de taches floues jaunes et bleues, aux mouvements fluides, située derrière lui. Un léger bruit d’eau accompagne maintenant le piano tandis que le jeune homme se retourne pour suivre ces formes des yeux. Bouche entrouverte, il s’abandonne à l’observation des formes flottantes.

Se détournant du miroir et du lavabo, il se dirige à pas lents vers un très grand aquarium éclairé d’une lumière bleutée, enchâssé sous une arche terminée par deux colonnes gréco-romaines. Au fond de la pièce, nous apercevons un homme habillé en mousquetaire debout de dos devant l’une des trois pissotières disposées sur le mur carrelé. Sans s’occuper de l’homme, le jeune homme s’approche et ne quitte pas des yeux les poissons de différentes tailles, jaunes et bleus, qui évoluent dans l’aquarium parmi les coraux posés sur le sable. Ses mains se posent délicatement sur les coquillages qui ornent le bas de l’aquarium qu’il continue à observer.

Dans une grande pièce nous découvrons la chanteuse Des’ree est baignée dans la lumière d’un spot. En robe blanche, bras nus et accompagnée de trois violonistes en retrait, violons au cou et archers baissés, elle chante, les yeux fermés et les mains jointes, devant un parterre de spectateurs tous vêtus de chapeaux richement décorés. Derrière elle, des colonnes gréco-romaines et un décor peint d’une ville antique en flamme. Elle accompagne les paroles en fermant les yeux, crispant bras et main, accompagnée par le pianiste à sa droite.

Tandis que la chanson continue, nous retrouvons le jeune homme devant l’aquarium. Son reflet se mélange aux silhouettes colorées des poissons qu’il observe. Son visage touche presque l’épaisse vitre et il est maintenant parfaitement calme, suivant de ses yeux bleus en se déplaçant latéralement un groupe de petits poissons bleus et tigrés. Il se penche et son visage se perd parmi les coraux et les plantes exotiques.
Soudain, parmi les coraux et les poissons nageant calmement apparait un OEIL gris-vert entouré d’une peau rose, lisse, et sans maquillage apparent. Après un court moment l’oeil disparait vers le haut.

Accompagnant ce mouvement, le jeune homme se redresse prestement et se fixe avec surprise sur le visage de JULIETTE, une jeune femme d’une vingtaine d’année maintenant pleinement visible de l’autre côté de l’aquarium. Elle redresse très lentement la tête pour fixer le jeune homme, ses yeux s’écarquillent et sa bouche s’entrouvre légèrement tandis que les poissons continuent leur nage sereine. Le jeune homme cligne des yeux et puis les ouvre grand en la fixant. La jeune fille, qui porte des ailes d’ange dans le dos, baisse les yeux, puis lentement son regard par en dessous se redresse et retrouve celui du jeune homme. Les coins de sa bouche entrouverte se lèvent pour esquisser un sourire timide.

Roméo se déplace latéralement et lentement tandis que chant et piano continuent. Ils sourient maintenant plus franchement l’un à l’autre, séparés par leurs reflets bleutés, jouant des déformations et du cache-cache produits par les poissons et plantes de l’aquarium.

Leurs mouvements s’accélèrent, elle rit et il s’approche de la vitre jusqu’à y coller son nez, ce qui provoque chez elle un mouvement de recul amusé.
Leurs visages sont proches, pris dans les effets grossissants de l’aquarium. Juliette affiche un sourire soutenu, quand brutalement le mot "Madam" est profèré avec un accent hispanique, et le visage de Juliette disparait alors qu’elle se tourne vers le visage rond, mi-effrayé et réprobateur de LA NOURRICE, une femme d’un cinquantaine d’années qui surgit derrière elle.

"Your mother called", insiste la femme avant de la saisir et l’emporter latéralement. La jeune fille a juste le temps de tourner la tête, s’arrêter un court instant vers l’aquarium et adresser un sourire cette fois complet et ravi au jeune homme qui la suit des yeux sans réaction, une main posée sur la vitre, tandis qu’elle quitte son champ de vision.

La vielle femme en tenue de bonne, col rond blanc sur une tunique d’un bleu sombre aux rayures blanches, et cheveux bruns tirés en chignon, fait irruption par une porte dorée dans une salle richement décorée. Son visage est sévère et elle traine par la main la jeune femme en robe blanche immaculée, largement échancrée sur sa poitrine fine, aux longs cheveux bruns en queue de cheval qui sautille tout en lançant des regards derrière elle. Elle porte dans le dos une paire d’ailes d’un blanc immaculé elles aussi, et son sourire s’efface tandis que les deux femmes traversent à pas rapide les pièces toute de dorures, marbres et stuc.

Le jeune homme surgit par la même porte, le regard porté loin alors qu’il s’élance à leur poursuite, manquant de bousculer une femme en kimono et une autre en courtisane. Un court arrêt et il reprend sa course.

Fendant la foule tout en tirant la jeune femme, la nourrice s’éclaire et elle pousse Juliette, un peu perdue, paumes en avant jusque dans les bras d’un JEUNE HOMME EN COSTUME D’ASTRONAUTE d’une trentaine d’année qui saisit sa main droite et pose l’autre sur sa hanche avec un sourire enjôleur. Il lui lance "Will you now deny to dance ?" sous le regard conquis de la vieille dame souriante, qui s’apprête à s’adresser à eux.

La nourrice est soudain repoussée par un éventail en plumes de paon, que tient LA MÈRE DE JULIETTE ; femme d’une quarantaine d’années, habillée en reine égyptienne, coiffe dorée sur une perruque tressée, aux pommettes et lèvres rouges, yeux de biche et paupières dorées. Avec un large sourire un peu forcé dévoilant deux rangées de dents impeccablement blanches, et s’adresse à la jeune femme tout en dévorant du regard l’homme.

"A man, young lady, such a man", soupire la mère. L’homme, avec un sourire satisfait, entame par un pas en arrière une valse, laissant sur place la femme mûre dont le sourire disparait dans une moue et dont l’éventail couvre encore le visage de la nourrice.

L’homme attire la jeune femme jusqu’au centre de la pièce où la chanteuse et son orchestre continue de performer une chanson langoureuse. Les bras un peu tendus, il recule de deux pas en la tirant légèrement, le regard concentré sur Juliette. De son côté, elle se faire elle cherche des yeux quelque chose dans la salle.

Roméo surgit dans la pièce et s’arrête pour l’évaluer du regard. TYBALT, un jeune homme d’environ 25 ans aux sourcils, moustaches, bouc et favoris taillés en angles, le visage de trois-quart et les yeux fixes injectés de sang, écarte d’un geste sec le mince cigare qu’il avait en bouge, exhalant des volutes de fumée.

Il porte un serre-tête ornée de cornes de diable qui brillent sur la tête et une chemise blanche au large col sur un costume bleu lignée et un gilet rouge sang orné d’un rubis. Deux HOMMES GRIMÉS, le visage peint et déguisés en squelettes du Dia de los muertos, se rapprochent de lui par sa gauche et à sa droite, le regard fixe. Nous découvrons, derrière lui, une toile sombre et craquelée représente un Christ crucifié.

Tybalt, agité et le visage crispé, s’exclame dans un sifflement "What dares the slave come hither to fleer and scorn at our solemnity ? Now, by the stock and honor of my kin, to strike him dead, I hold it not a sin.". Il termine sa phrase en se frappant la poitrine puis pointant du doigt dans la direction de Roméo, toujours entouré des deux hommes silencieux et impassibles. Sa tirade à peine terminée, il s’engouffre à gauche, suivi par les deux hommes grimés.