Contes de fées

Les contes de fées sont des récits courts, familiers, issus du folklore, essentiellement enracinés dans la magie, la transformation et un passé intemporel (« il était une fois »). Ce ne sont pas simplement des histoires pour enfants (ils ont circulé historiquement dans toutes les tranches d’âge), mais des véhicules puissants de commentaires sociaux et de mémoire culturelle ; on peut les voir comme la sagesse accumulée du passé.

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Esthétique 

« Le conte de fées est avant tout un acte d’imagination, véhiculé dans un espéranto symbolique, dont les éléments constitutifs sont certains types de personnages (marâtres et princesses, elfes et géants) et certains motifs récurrents (clés, pommes, miroirs, anneaux et crapauds) ; le symbolisme prend vie et communique le sens à travers une imagerie de contrastes et de sensations fortes, évoquant des phénomènes simples et sensuels qui brillent et étincellent, percent et coulent, et qui, par ces moyens, suscitent une reconnaissance dans le corps du lecteur ou de l’auditeur à une profondeur viscérale (verre et forêts ; or et argent ; diamants et rubis ; épines et couteaux ; puits et tunnels). » (Warner, 20, trad. C. Godart)
Autres motifs récurrents : clairvoyance, enlèvements, sommeil enchanté, doubles, malédictions, prophéties, objets enchantés et puissants.

Magie

La magie, le merveilleux et le surnaturel sont constitutifs du conte de fées. Ils conjurent la présence d’un autre monde, mais s’inscrivent dans la vie quotidienne des personnages. Celle-ci est pleine de forces invisibles opérées par des êtres magiques, dont les actes sont hors de la portée du protagoniste. Ces êtres magiques surprennent sans cesse, se comportent de manière capricieuse, et peuvent être séducteurs (c’est souvent le cas du loup) ou tentants (comme la maison en pain d’épices d’Hansel et Gretel). Leurs pouvoirs surnaturels sont parfois positifs, parfois dangereux, parfois déguisés en forces positives, parfois ambigus. Les contes sont également truffés d’enchantements, souvent verbaux, comme « Sésame, ouvre toi ! » dans Ali Baba et les Quarante Voleurs.

Quotidien

Les personnages des contes peuvent être issus du peuple ou de la noblesse, enfants ou adultes. Les problèmes auxquels iels font face, symbolisés par des processus magiques, sont en réalité quotidiens au moment de leur circulation : les contes mettent souvent en scène des belles-mères épouvantables (les marâtres) à des époques où les morts en couches sont fréquentes, et donc les remariages. Les contes parlent aussi de problèmes humains universels, comme le désir, le manque, la pauvreté, la pénurie, la faim, l’anxiété, l’avidité, l’envie ou encore la cruauté. Les injustices y sont endémiques, tout comme les hiérarchies sociales et le patriarcat, et les gens y volent, trompent et se battent. Dans le monde du conte, il n’y a pas d’autorité intellectuelle ou religieuse, ce qui permet à ces récits d’aborder les problèmes sociaux de manière très libre.

Les structures de l’émerveillement et de la magie ouvrent des voies pour enregistrer ces expériences pénibles. Les contes le font souvent (en Europe occidentale et aux États-Unis en tout cas) en imaginant un temps où la souffrance sera terminée : le destin sera changé et les coupables vaincus (« ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants »). Ce n’est pas le cas partout : en Russie par exemple, les contes ont plus souvent tendance à mal se terminer.

En somme, les contes opèrent à un niveau émotionnel, en utilisant l’exagération, les archétypes et la métaphore pour communiquer des expériences humaines complexes.

Ces notes sont largement inspirées de l’excellent livre de Marina Warner, Once Upon a Time (Oxford University Press, 2014).