Exercice 1 : Caractère et exposition

Les premiers moments d’une narration sont dédiés à nous présenter ses protagonistes et nous décrire le monde dans lequel ils prennent place par des situations. Tout ce qui est nécessaire, donc, à la compréhension du conflit qui ne tardera pas à venir.
On nomme ainsi "exposition" ce premier temps de la narration, et caractérisation l’ensemble des méthodes par lesquelles nous allons pouvoir identifier le caractère des protagonistes qui y agissent.

Le caractère

Le caractère est la source " explosive " du comportement des personnages. Il colore les activités d’une singularité, d’une personnalité. Il devient "balistique" lorsqu’il prend une trajectoire, fournie par un objectif.
Est dit " simple ", le personnage dont le caractère ne change pas au cours d’une histoire : généreux il est, généreux il reste.

Caractériser un protagoniste, c’est déployer son caractère à travers son apparence, ses attributs (objets, décors), ses paroles, ses actions et les rétroactions des autres protagonistes. Caractériser un protagoniste permet sa lisibilité et la possibilité d’anticiper ou d’appréhender ses actions futures.

La caractérisation est l’action de mettre en place le caractère, d’exploiter une situation propice à le faire percevoir par le récepteur du récit. Puisque le caractère est un moteur puissant pour créer la connexion entre spectateur et récit, la caractérisation est opérée en dramaturgie concentrée le plus tôt possible, généralement dans la première partie de la structure du récit, appelée exposition.

> Quelques tips sur la caractérisation dans le lexique sur ce site

Le caractère est souvent lissé par les conventions sociales. Les usages sociaux veulent que l’on donne l’heure à quelqu’un qui le demande, par exemple, qu’on soit coquet ou misogyne. C’est pourquoi la caractérisation se perçoit plus rapidement à travers des conflits que dans le confort de l’univers du protagoniste (même si la présentation d’une routine donne droit à des scènes intéressantes). En dramaturgie, un conflit peut être de très basse intensité, il est une force contraire à la volonté des protagonistes, qui permet de décrire ses réactions à chaud, et au spectateur de se situer par rapport à lui.

L’exposition

L’exposition est le premier temps canonique d’une narration, permettant au spectateur de s’installer dans les codes du récit, la logique du monde dans lequel il se déploie, et le caractère des personnages qui le peuple, et le style narratif qu’il prend pour y parvenir.
Cependant, présenter un monde, ses protagonistes et leurs relations peut se révéler laborieux et ennuyeux, car il s’agit de saisir sa normalité, sa causalité, ses valeurs partagées. Ce moment est souvent le plus faible du récit en tension dramatique. Chaque récit cherche donc à contourner cette étape en injectant du conflit dès ses premiers instants, et/ou en optant pour un exposition continue, c’est à dire en distillant tout le long du récit les informations nécessaires à sa bonne marche.
Notons que l’exposition continue pose des problèmes spécifiques, puisqu’elle peut donner l’impression désagréable d’une narration mal improvisée : une scène o๠l’on nous dit que le protagoniste a une peur panique des chiens, suivie d’une autre o๠il panique face à un chien, est du plus mauvais effet.

L’exposition se conclut par le plot, qui va faire basculer le récit dans son second temps, dédié au conflit principal. Que ce conflit soit préparé ou pas (est-il une évidence liée à la situation du protagoniste principal, ou un événement inattendu), l’exposition doit comporter les indices nécessaires pour le lecteur/spectateur puisse appréhender l’impact de celui-ci sur le protagoniste et son environnement.

On considère donc en dramaturgie dite "concentrée" que l’exposition doit être la plus courte possible, pour faire place à l’action dès que c’est possible, et qu’elle doit être écrite en y injectant si possible du conflit, qui est un bon révélateur de caractère. On se conformera à cet impératif pour cet exercice.

Objectif

Apprendre à composer un caractère (psychologique), en lui donnant des caractéristiques comportementales pour donner une consistance et une autonomie aux personnages, qui leur permettront d’exister ensemble dans un récit sans se fondre dans une masse indifférenciée de machines à agir, et donneront une vie supplémentaire à " ce qui leur arrive ". Comportemental est ici compris dans son sens ordinaire : qui passe par de l’activité, par du comportement.
Créer des situations propres à mettre en tension les différents caractères pour les faire exister à travers cette mécanique.
Préparer l’arrivée du conflit par les situations créées.

Déroulé de l’exercice

Cet exercice se travaille par groupe de deux. Choisissez donc un partenaire.
Aller sur le page du générateur de pitch et de caractère. La page génère aléatoirement un pitch et 5 caractères. Il est possible de rafraichir la page si le pitch ou les caractères vous semble trop compliqués, mais virtuellement n’importe lequel peut faire l’affaire. Faites une capture ou une impression de cette page pour mémo, ce sera votre guide pour la suite.

Sur cette base, vous allez générer trois scènes.
Ces scènes tiennent place dans l’exposition du récit, avant le plot donc. Elles ne doivent pas comporter toutes les informations présentes dans le pitch, mais être cependant riches en informations sur les caractère et la situation.
1) Le développement d’une situation de conflit faible sur base de trois pages (plus si cela s’avère nécessaire) d’un roman photo fourni et d’une situation choisie en rapport avec le pitch. Si le conflit est faible, il doit par contre être riche en information concernant la situation, le caractère de chaque protagoniste y apparaissant, dans une tension avec le conflit à venir, puisque cette scène est censée arriver durant l’exposition.
Utilisez la situation du roman photo à votre avantage, attitudes, didascalies, phylactères. Ces derniers peuvent être agrandis au besoin.
Rappelez-vous que si la scène doit être complète, elle n’est pas censée être toute l’exposition.

2) Une situation développée sous forme textuelle, sur base d’une écriture dramaturgique : décrivez ce qui se voit ou s’entend, pas de pensée intérieure ou de description d’état émotionnel. Un des décors repéré lors de la marche doit illustrer cette partie.

3) Une image fixe (dessin, photo à vous de trouver avec ce qui vous tente) de taille moyenne à grande (un A3 minimum, A0 maximum) captant en une image une situation. Elle doit être riche sans être surchargée, et mettre en scène un moment dramaturgique. Cette image est basée sur un des décors repérés lors de la marche. Utilisez une technique simple, abordable, qui vous permettra de réaliser cette image dans un temps raisonnable.
Donnez un titre à cette image, qui est aussi le titre de votre récit.

Dans chacun de ces contenus, on veillera à la qualité informative. S’il peut être cool de faire une image impressionnante, ou une situation spectaculaire, elle n’est pas valide dans cet exercice si elle n’apporte aucune information nécessaire à la compréhension par un destinataire sur la caractérisation ou la situation.

à‰valuation

Le récit sera évalué suivant des critères assez stricts :
 le caractère de chaque personnage intervenant dans le récit doit être identifiable et cohérent sur l’ensemble du récit
 ces caractères doivent être perceptible par des actions variées, et pas uniquement par la même action répétée.
 le conflit doit être articulé avec les caractères mis en place et la situation construite.
Cet exercice n’interdit pas, au contraire, la fantaisie. L’univers mis en place ne doit pas être réaliste mais cohérent, ce qui n’est pas exactement la même chose.

Extraits potentiels

Un extrait de La guerre des mondes de Steven Spielberg, 2005
La photographie La terreur de la guerre de Nick Ut, 1972
Quelques images de Ray’s a Laugh de Richard Billingham, 1997
La scène d’ouverture de There will be blood de Paul Thomas Anderson, 2007.
Un extrait de Me, you and everyone we know de Miranda July, 2005
Un extrait de la série Stranger things de Matt et Ross Duffer, 2016
L’exposition de Jagten (La Chasse) de Thomas Vinterberg, 2012
Un extrait de Another year de Mike Leigh, 2010
Une scène de The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, 2014
Un extrait de Blanche neige et les 7 nains de Disney, 1937
L’ouverture de The mask de Chuck Russell, 1994
Deux planches de Slasher de Charles Forsman, 2019
La planche d’entrée de Lapinot et les carottes de Patagonie de Lewis Trondheim, 1992
Les 7 premières minutes du 1917 de Sam Mendes, 2019
Une scène du premier épisode de la série Counterpart de Justin Marks, 2017
Une scène de Die Hard 3 de John McTiernan, 1995
Un extrait de Handmaid Tales, de Bruce Miller adapté du roman de Margaret Atwood, 2017
La vidéo Le clou de Monsieur Delmotte, 1994

Durée de l’exercice
Deux séances, finalisation pour la troisième (ou commence un nouvel exercice).