Faut pas jouer avec la nourriture, 2008, pain invendu
« Je cherche dans mon travail à donner à voir une trace sensible du passage de la vie. Je travaille sur la mémoire. Mémoire des corps qui ont été et ne sont plus. Peut être ont ils grandi ou sont-ils ailleurs, ou peut être sont-ils morts ? Il s'agit pour moi, de donner à voir l'absence. Les sculptures que je réalise représentent souvent des vêtements. Ces vêtements semblent garder l'empreinte d'un corps qui les aurait habité. Ils sont comme des secondes peaux. On peut aussi les voir comme des mues. L'absence naît du vide autour duquel ils prennent forme. De ce vide surgissent des images. Des images heureuses, douloureuses.Des rêves d'enfance…
Il s'agit aussi pour moi, d'évoquer la fragilité de l'existence.C'est pourquoi j'utilise pour réaliser ces sculptures, des végétaux. Que je les choisisse doux, sensuels ou légers , ces végétaux transformés en mues disent la précarité d'être au monde. J'associe humain et végétal pour parler de leur évanescence mutuelle. Á l'instar du sable, les graines de coquelicot évoquent le passage du temps. Pour un instant agglomérées, elles pourraient s'égrener. Le souvenir même de la vie , de ces sculptures faites de cette matière, pourrait sombrer dans l'oubli. Mais les graines sont un formidable réservoir d'énergie vitale. Du néant renaîtra la vie… Chaque végétal porte en lui son sens et sa poétique, c'est de là que je pars. Je prolonge ce potentiel qui existe en chacun d'eux mais toujours avec cette même idée : figer l'enveloppe charnelle de l'être avant qu'elle ne s'évanouisse.
Isabelle Tournoud